J’avais quitté notre appartement et le quartier des
Canoubiers relativement tôt en ce Samedi. Je n’avais presque pas fermé l’œil de la nuit tant l’idée de cette soirée me hantait. Le stress montait déjà en moi.
Pourtant il me reste bien une bonne dizaine d’heures avant le début des festivités. L’avantage avec l’insomnie, c’est que tu peux t’avancer dans certaines activités du quotidien. En effet, j’avais profité de mon incapacité à dormir pour m’affairer au repassage des vêtements de Gabriel ainsi que des miens à 5h du matin. Puis j’avais enchaîné sur l’élaboration du déjeuner et du repas de mon frère – puisque je ne serais pas là ce soir –. Et j’avais fini par boucler les derniers articles sur la vie des stars à St-Tropez. Finalement, à 9h je ne trouvais plus rien à faire. J’avais donc décidé de partir au travail à pied puisque je prenais mon service à 11h. Marcher m’apaisait et me permettait parfois d’oublier tout le poids de mes responsabilités.
Le restaurant dans lequel je demeurais employée en tant que serveuse à mis temps se situait au centre-ville. Il recevait la plupart du temps des touristes et des familles. La cuisine était bonne, tout autant que l’accueil. J’appréciais beaucoup mon job d’appoint. Heureusement de toute manière, parce que j’appartenais au personnel depuis longtemps déjà.
Depuis mes seize ans en fait. Depuis l’accident… Autant dire une éternité ! Seulement mes revenus en tant que journaliste ne me permettaient pas d’envisager ma démission pour le moment, alors je m’activais de bon cœur dans ma tâche secondaire.
Je quittais enfin
les Canoubiers et me retrouvais dans le centre-ville. La chaleur commençait déjà à exploser des records en ce milieu de matinée. Je remarquai, par ailleurs, que ces températures élevées ne dissuadaient en rien les étrangers à arpenter les rues de St-Tropez. Le quartier semblait nettement plus bondé qu’une heure auparavant. La population s’agitait au rythme qui lui était propre. Tout paraissait s’accélérer tandis que moi, je restais la même.
Je passais devant le groupe Lewis, un endroit dans lequel reposais des dizaines de magazines très en vogue. Il s’avérait être mon autre lieu de travail. Tandis que je regardais l’énorme bâtiment entièrement modernisé, je me surpris à me demander à quoi ressemblait le "grand patron". Je ne l’avais encore jamais vu.
Je suis très curieuse de savoir quel genre d’homme il est. Je savais qu’il s’agissait d’un homme, j’avais entendu l’une des secrétaires en parler. C’était à peu près tout ce que je connaissais à son sujet.
Quelques minutes plus tard, j’avançais droit vers le
Restaurants des Chocolats Chauds. Il servait les meilleures boissons chaudes de la ville, à mon humble avis toutefois. J’y venais de temps à autre en raison de prix tout à fait raisonnables. Il est vrai que j’ignorais ce que pouvait offrir
Le Café Grignotine étant donné mes minces revenus.
Alors que je poursuivais ma route, j’entendis une voix des plus familière me héler.
« Hé, Sacha ! » Je n’eus presque pas besoin de me retourner pour identifier "l'inconnu". J’appartenais à ce genre de personnes qui se montre peu entourés, seulement les gens que je côtoyais, je les reconnaissais parfaitement. Il s’agissait d’Alec, j’aurais pu l’affirmer sans l’ombre d’un doute. Aussi, quand je fis demi-tour, je lui lançais un sourire qui je l’espérais était radieux.
Ou du moins aussi radieux que peut l’être celui d’une femme qui n’a dormi que quatre heures en tout et pour tout cette nuit.
Il me fit signe de le rejoindre à sa petite table de terrasse. Je me m’assis non sans lui avoir dit bonjour au préalable. Alec semblait heureux et je soupçonnais Freya d’y être pour quelque chose. La jolie rousse travaillait avec moi au restaurant. C’était d’ailleurs ainsi que j’avais fait la connaissance de son petit-ami : Alec. Il me rendit mon sourire.
« Alors, quoi de beau ? » m’enquit-il avec un accent irlandais emplit de charme. Je vis du coin de l’œil un serveur arriver.
« Tu veux vraiment que je te raconte tous mes malheurs ? » commençais-je sur le ton de la plaisanterie. Alec était l’une des rares personnes à qui je me confiais. Il demeurait à n’en pas douter plus qu’un ami bien que notre relation ne s’aventure pas sur le terrain glissant qu’est l’amour passionnel.
« Désolée, mon humour laisse à désirer ces derniers temps et puis je n’ai pas beaucoup dormi… Mais parlons plutôt de toi et Freya ! Votre emménagement est pour quand ? » Un jeune homme se renseigna quant à nos consommations. Je commandai un café bien serré.
Je vais en avoir besoin.